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Le gouvernement Barnier renversé, l’agriculture atterrée
La chute du gouvernement laisse de nouveau en plan des chantiers structurels tels que la loi d’orientation agricole et relègue au rang d’expectatives des mesures sociales et fiscales relevant du budget, objet de la censure d’une majorité de députés. Pendant ce temps, Ursula von der Leyen était en partance pour le sommet du Mercosur.
« Par rapport aux maladies animales qui se sont multipliées, au dérèglement climatique, trop de pluie ou de trop de sécheresse, nous avons voulu apporter des réponses sérieuses aux agriculteurs qui savent que je les respecte et qui peuvent compter sur moi et sur la ministre de l’Agriculture. La France en a besoin car ils ont aussi une activité vitale, celle d’assurer l’alimentation et la souveraineté alimentaire. En l’absence de budget, des mesures attendues, très attendues pour leur retraite, leurs cotisations sociales ne seraient pas financées ». C’est un extrait de la déclaration, pour ne pas dire du testament politique, du Premier ministre Michel Barnier à l’Assemblée nationale le 4 décembre, une heure avant d’être défait par une motion de censure déposée par la gauche, ralliant tune large majorité de députés grâce à l’appui du Rassemblement national. La motion répondait au recours par le Premier ministre deux jours plus tôt à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Conformément à la Constitution, le Premier ministre a présenté aujourd’hui sa démission au président de la République, qui l’a acceptée. Elle rend ainsi caduque le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui devait lui aussi être soumis au vote des députés. Fiscalité du GNR, dégrèvement de TFPNB, exonération partielle de la réintroduction de la Déduction pour épargne de précaution, dispositifs d’allègement fiscal en cas de transmission à de jeunes installés, pérennisation du TO-DE... : les incidences du PLF et du PLFSS sur le secteur agricole sont légion. Et même si elles finiront par trouver leur épilogue, on peut l’espérer, dans les semaines à venir, l’épisode envoie un signal funeste au monde agricole, brinqueballé depuis des mois par des engagements à tout-va et de surcroit violenté par une météo fragilisant les toutes les filières végétales presque sans exception et par des épizooties accentuant la vulnérabilité des filières animales.
Quid des mesures financières anti-crises
Qu’en sera-t-il de la mise en œuvre des mesures de soutien à l’élevage (75 millions d’euros promis par Michel Barnier au Sommet de l’élevage) et des dispositifs d’aides à la trésorerie, négociés avec les banques et destinés à surmonter les difficultés conjoncturelles et structurelles du secteur ? Et que dire du Projet de loi d’orientation agricole, lancé par le président de la République en septembre 2022, perdu quelque part entre l’Assemblée nationale, après son adoption le 28 mai dernier et le Sénat, qui devait s’y pencher dans les semaines à venir après le long intermède induit par la dissolution de la Chambre basse le 9 juin dernier.
« Nous n'avons plus d'Etat. En conséquence, à compter de ce soir, il n'y a plus de contrôles dans nos exploitations »
Alors que l’automne a vu les agriculteurs se remobiliser, sur fond d’agenda électoral à moins de deux mois du scrutin des Chambres d’agriculture, l’absence d’agenda politique consterne la profession. « Nous n'avons plus d'Etat. En conséquence, à compter de ce soir, il n'y a plus de contrôles dans nos exploitations », a lancé Arnaud Rousseau à la tribune du meeting de lancement de la campagne de la FNSEA et des JA le 4 décembre à Montignac-Lascaux (Dordogne). « En moins de six mois, les promesses faites n'ont pas été tenues pour la deuxième fois alors que la réalité de nos entreprises, c'est maintenant et tout de suite (...) Les plus faibles retraites de France sont celles des paysans. Alors que le texte était voté, nous ne savons plus ce soir quel sera son avenir. La reconduite du TO-DE est suspendue également... Ce n'est pas acceptable ».
Dans un communiqué, la président de Chambres d’agriculture France Sébastien Windsor a dénoncé un « coup d’arrêt pour la seconde fois en quelques mois dans la mise en œuvre de solutions pragmatiques attendues depuis plus d’un an » ainsi que « l’absence de perspectives », plaçant l’agriculture en « otage de débats purement politiques ».
A propos d’ « otage », la chute du gouvernement coïncide avec l’ouverture à Montevideo (Uruguay) d’un Sommet du Mercosur au cours duquel le traité de libre-échange entre cinq pays d’Amérique latine et l’UE pourrait être conclu. Sur fond de distorsions de concurrence et de différentiels de compétitivité, le projet d’accord est porteur de lourdes menaces pour l’agriculture française, suscitant le rejet de tous les syndicat agricoles, de tous les partis politiques, du Parlement et du président de la République.
« Je veux redire à cette tribune et à la place où je me trouver encore mon opposition formelle au traité de commerce avec le Mercosur »
Sauf que la situation politique intérieure ne va pas aider à rallier une minorité de blocage au sein de l’UE. « Je veux redire à cette tribune et à la place où je me trouver encore mon opposition formelle au traité de commerce avec le Mercosur » a lancé le Premier ministre démissionnaire Michel Barnier, dans un ultime chant du cygne. Pendant ce temps, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, était en partance pour Montevideo. Se fera-t-elle pardonner par Emmanuel Macron samedi lors de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris ? A moins que ne s’écrive là, un nème chapitre de « notre drame » de Paris.