L’agriculture, « intérêt général majeur de la Nation française », c’est pour 2025 ?

[Edito] Malmenée par les aléas climatiques et sanitaires, ballotée par les errances politiques avant d’être crucifiée par l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, l’agriculture française aura été particulièrement meurtrie cette année.

Rappelez-vous, c’était entre la mi-janvier et la mi-février, des milliers d’agriculteurs, syndiqués ou pas, délaissent les champs pour l’asphalte et inondent nos écrans, nos radios, nos journaux, nos réseaux. Les paroles libérées dessinent le portrait d’une profession paupérisée, déclassée, déconsidérée, épiée, harcelée, alors qu’elle se démène 70 à 80 heures par semaine pour nourrir trois fois par jour 68 millions de Français, pour pas très cher et plutôt bon, pour ne pas dire pas cher du tout et très bon. En dépit du rétrécissement de la profession, quelques milliers de tracteurs rappellent à nos gouvernants et à nos compatriotes que les agriculteurs ont encore la clé du frigo et du resto. Et que leur combat, déporté momentanément sur le bitume, n’est pas seulement leur raison d’être, mais une noble et juste cause au service de la Nation toute entière.

Aucune filière épargnée

Et pourtant, ils n’avaient pas tout vu. A l’approche de l’été, les premiers détourages de batteuses préfigurent une moisson catastrophique, avec des baisses sinon des chutes de rendement affectant peu ou prou toutes les espèces. A la fin de l’été, ce sont les machines à vendanger qui éraflent la filière, aux prises à la plus faible récolte depuis 1945. Confrontée à un enchainement critique d’aléas climatiques, à d’imprévisibles soubresauts géopolitiques et à une déconsommation croissante, la filière viticole s’enfonce dans une crise aux impacts économiques et socio-culturels insondables. Et il y a fort à parier que les arrachages subventionnés feront office de cataplasme sur une gueule de bois. Dans le secteur de l’élevage, ce sont les maladies vectorielles, FCO et MHE, qui fragilisent des filières bovine et ovine qui n’en demandaient pas tant. Dans ce jeu de massacre où le changement climatique est aux avant-postes, la filière laitière est une des rares à tirer son épingle du jeu. Jusqu’à ce que Lactalis annonce, en septembre, sa décision de réduire sa collecte hexagonale de près de 9% d’ici à 2030.

De l’activisme à l’errance politique

Durant cette année, le gouvernement sera lancé dans une course-poursuite aux rattrapages à tout-va en matière de reconnaissance, de reconsidération, de revalorisation, de régénération, de libéralisation, de non-surtransposition etc. Ils seront consignés dans 70 engagements, greffés pour certains au Projet de loi d’orientation agricole adopté le 28 mai par l’Assemblée nationale. Las, la dissolution au soir des élections européennes fait entrer la France dans une errance politique dont on peine à voir l’issue mais pas les dommages et l’agriculture, promise à être reconnue comme étant d’un « intérêt général majeur de la Nation française », attendra. Dernier avatar en date : la censure et la chute du gouvernement de Michel Barnier, qui prive le secteur de 400 millions d’euros en subsides social et fiscal. Deux jours plus tard, le 6 décembre, le coup de grâce est porté par la présidente de la Commission européenne qui parachève le traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Un rayon de soleil ? Ben non. La veille de Noël, Météo-France décrit 2024 comme l’année la moins ensoleillée depuis 30 ans. Encore quelques jours à tenir.